Aztec de Colin Falconer
Mali l'observait. Malgré le vent aigre qui s'insinuait à travers les fissures des murs, la chemise de Cortés était trempée de sueur. Sa main tremblait si fort qu'il avait du mal à tenir sa plume.
Le vent nocturne apportait avec lui l'écho funèbre des tambours du camp texcaltèque. Sans doute étaient-ils en train de sacrifier les Totonaques capturés lors des derniers combats.
Elle attendait patiemment que son seigneur en ait fini avec son interminable lettre. Quand, enfin, il posa sa plume, elle le vit cacheter la missive, les épaules voûtées, comme sous le poids d'une lourde charge.
- Qu'est-ce que je vais faire, chiquita ? murmura-t-il.
Mali s'inquiéta de le voir aussi désemparé, aussi fatigué. Vivement, elle se leva et vint se placer derrière lui pour masser ses épaules contractées.
- Libérez les hommes que vos soldats ont capturés aujourd'hui, lui conseilla-t-elle. Renvoyez-les au Seigneur Anneau de la Guêpe et faites-lui dire que vous pardonnerez tout s'il vous donne l'accolade et se joint à vous dans votre lutte contre Moctezuma.
Il resta si longtemps silencieux, les yeux fixés sur la chandelle, qu'elle se demanda s'il l'avait bien entendue. Mais soudain, il se redressa et appela Cáceres, son majordome, à qui il ordonna de lui amener deux des prisonniers.
Cortés les dévisagea longuement, l'air pensif. Puis il se décida.
- Dis-leur que je ne désire pas leur faire la guerre.
Ce que Mali traduisit à sa façon en nahuatl :
- Qu'il pousse des crocs dans la grotte de plaisir de vos femmes ! Mon Seigneur est très fâché contre vous. Il était venu ici en paix et vous l'avez attaqué ! A présent, il perd patience.
Editions France loisirs - 23 x 14.5 cm - 509 pages